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Le tir dans l’appareil photographique  

 

Je cherche à faire une photographie où, dans le temps d’exposition à la lumière qui l'a crée, elle sera en même temps détruite, transpercée par une balle de carabine 22 long rifle.

   Sur le négatif détruit, pourra-t-on encore voir le tireur et peut-être la déflagration de la petite cartouche ?

Pour mener à bien cette opération, j’ai mis en place un dispositif particulier pour éviter que la lumière ne voile le négatif lors de l’éclatement de l’appareil  photo. A cette fin, j’ai construit une chambre noire en bâche où l’action a lieu; la lumière doit s’éteindre juste un peu après le tir, ou presque simultanément. J’ai donné une forme de tipi à la chambre noire, en pensant à la première réaction des Amérindiens face à la photographie.

Ils refusaient de poser, pensant que la prise de vue prendrait du même coup leur représentation et leur âme. Comme si les photons avaient été le véhicule de l’âme.

Une réaction non prévue et surprenante s’est produite sous l’effet de la chaleur: la bâche noire s’est gonflée et le tipi s’est transformé en ogive, comme une balle. Ce qui motive mon intention n’est pas tant une pulsion suicidaire; je cherche seulement, comme en peinture, à toucher le support pendant qu’il se fabrique. La photographie me paraît trop distante et abstraite. L’arme à feu, le tir sont des moyens similaires à la photographie, pour pouvoir s’intégrer dans son processus de fabrication.

Le temps de la visée sera celui de la montée lente de l’image sur le film, 3 à 4 secondes environ. Ce n’est pas non plus une démarche iconoclaste puisque je cherche une image malgré tout, une image qui représente sa propre destruction, comme pour retrouver une liberté en deçà de la conscience que l’on a de l’image de soi, un geste symbolique de défense face à une menace, celle de la mise en boîte; c’est pour cela que,  paradoxalement, c’est un sursaut plutôt positif.

Jean-François Lecourt, juin 1977.

La balle crée l'image

 

Ce système est différent du Tir dan l'appareil photographique. Il n'y a pas de destruction.

 

C'est la balle qui, en pénétrant dans une boîte étanche à la lumière dans laquelle est disposée une surface photosensible, fait un trou, laisse passer la lumière et crée du même coup une image. C'est le principe du sténopé. Les deux techniques, le Tir et la Photographie, là, se combinent encore plus parfaitement pour produire la représentation. 

 

De la qualité du tir, de sa précision, dépendra le cadrage; si le tir est en bas à gauche, le tireur sera représenté en haut à droite, puisque l'image est projetée à l'envers dans la camera obscura. La balle sur le support photosensible, le trou de son passage, indiquera toujours l'emplacement du tireur au moment du tir. 

C'est étrange de penser qu'une balle peut créer une image, cela donne une qualité détournée aux armes à feu, une capacité de créer. 

Que les deux techniques s'interpénètrent ne rajoute t-il pas un caractère mortifère à la photographie?

Comme si les photographies pouvaient avoir l'impact d'une balle...

 

Si on se représente les photons venant frapper le film, la comparaison est possible. Une balle fait 400 mètres secondes environ, la lumière 300 000 km secondes.

Dans mon procédé, la balle précède la lumière mais elle se trouve dépassée, coiffée, sur le film.

Jean-François Lecourt- 2016.

vue exposition Jean-François Lecourt.

EXPO

JF LECOURT

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